À la fin de l’exploitation de son deuxième album en 1992 Sara Mandiano est déjà prête pour le disque suivant qu’elle commence à écrire dès le printemps 1991. La collaboration avec son producteur et éditeur Thierry Haupais est forte du succès des récents tubes J’ai des doutes et Défense d’y voir et la chanteuse est désormais un visage familier de la variété francophone. On aborde la suite avec confiance et des moyens conséquents pour cet opus qui sera à nouveau enregistré et réalisé à Bruxelles par Dan Lacksman entre janvier et juillet 1993. On va faire appel à un casting de musiciens assez incroyable comme Chaz Jankel à la guitare (chanteur et musicien britannique qui connaît le succès en France en 1985 avec le tube No. 1), Graham Ward à la batterie, Eddie Conard aux percussions, le Quatuor Danel aux cordes sur Play… Le tout au services de dix nouvelles chansons co-composées par Sara et Sacha Chaty (à l’exception de Play que Sara signe avec Dan Lacksman).

L’album Saison des pluies est musicalement plus abouti que ? et propose des ambiances new wave, R&B, acoustiques, pop et rock assumées, arrangées avec beaucoup d’élégance.

L’Express ne s’y trompe d’ailleurs pas et l’on ne résiste pas au plaisir de citer in extenso la critique de Serge Bressan parue le 12 mai 1994 : « La trentaine élégante et raffinée, Sara Mandiano s’installe. Une place de choix lui est réservée dans la chanson française. De la qualité, mais sans prétention. Et un deuxième album, Saison des pluies, tout de gracilité et de subtilité. Les mots glissent avec naturel, la musique accompagne avec délicatesse. Voilà le bel héritage d’une formation classique (des vocalises à la Maîtrise de l’ORTF), bousculée par la découverte des Rolling Stones, des Stranglers. Puis le choc des mots du minimaliste Alain Souchon et du foisonnant Pierre Combescot… Elle avoue seulement : « Je ne connais qu’un langage universel : la musique. » Certains ont taxé Sara Mandiano de « néo-baba cool ». Parce qu’on entend le son du sitar sur ce nouvel album. Réaction : « Je ne me suis pas convertie au bouddhisme, comme tant d’autres artistes. » »

Les textes prennent en effet une ampleur et une subtilité encore jamais atteintes et les ballades sont, à mon sens, le point fort du disque. Où sont nos guides, Le Cortège, Play, mais aussi des titres un peu plus rythmés comme Vertige céleste ou Night and Day sont de vraies merveilles dont je ne me lasse pas. J’emprunte à Alban Bourdy ces quelques mots écrits sur son site La Discothèque idéale et que je trouve très justes : « ses compositions s’étoffent d’inspirations cosmopolites exotiques. Saison des pluies est un magnifique voyage qu’on a toujours plaisir à accomplir… »

Invitée de l’émission Coucou c’est nous le 3 mars 1994 lors de la sortie de l’album, lorsqu’on lui fait remarquer que certains de ses textes sont engagés, la chanteuse répond : « C’est surtout au second degré. Je n’essaye pas d’être une chanteuse engagée parce qu’il y a des gens qui le font bien mieux que moi et de façon plus directe. Moi j’aime bien dire des choses mais ne pas imposer les choses, si les gens ont envie de le lire ils le lisent, s’ils n’ont pas envie de le lire ils ne le lisent pas, ça peut être pris aussi d’une autre façon. J’essaye de passer des choses qui me tiennent à cœur. » 

Aussi réussi soit-il l’album Saison des pluies va connaître un parcours assez chaotique. D’abord le passage d’un distributeur (Polydor) à un autre (WEA) va décaler sa sortie. Revenant sur ce disque en 1999 pour la revue de la SACEM, Sara s’explique : « Il a été enregistré en six mois et il est sorti un an après sa réalisation. Une année d’attente, quand un disque est prêt, c’est long ! Tu es en décalage, tu as écrit de meilleures choses entre-temps… Le disque a bien démarré, mais il n’a pas rencontré son public : sur le coup, on se pose des questions, mais c’est souvent difficile de savoir la vérité. Soit on vous ment en disant que c’est génial, soit on ne dit pas ce qu’on pense. Ça vous échappe complètement. Il est aussi important de se remettre en cause. Aujourd’hui, j’enlèverais cinq chansons sur dix… Je ne suis pas allée assez loin. Et puis Thierry a arrêté son label, je me suis retrouvée seule chez Warner, avec des gens qui ne m’avaient pas signée, que je ne connaissais pas. Or pour lancer un artiste, il faut l’aimer, y croire, alors quand ce n’est pas l’équipe d’origine – celle qui vous a choisie – qui est en place, c’est dur pour tout le monde, l’artiste comme l’équipe. »

Notons qu’après sa commercialisation en France début 1994, l’album Saison des pluies bénéficie d’une sortie européenne le 21 avril 1995, peu de temps après le single Cool.