Dès sa signature chez Phonogram en 1987 avec la maquette d’Ombre immobile, Sara Mandiano a le désir d’un album. Mais après la sortie de Vénus et l’aquarium et d’Ombre immobile en 45 tours, elle présente une douzaine de maquettes à son label en 1988 et sent qu’il est temps pour elle d’aller voir ailleurs puisque Phonogram semble hésiter à la suivre dans son projet.

Il faut savoir provoquer le désir et les opportunités ne tarderont pas à se présenter même s’il va falloir s’armer de patience : « J’avais le choix entre Barclay et Virgin : j’ai finalement signé avec les premiers parce que Fabrice Nataf (Virgin) souhaitait d’abord sortir Défense d’y voir en 45 tours et que nous voulions absolument un 30 cm. C’est alors que Philippe Constantin et Thierry Haupais, associés chez Barclay, se sont séparés et ont voulu… tous les deux me garder dans leurs labels respectifs ! La décision était terrible à prendre, et a impliqué un an de transactions, avec les bandes bloquées etc. mais j’ai suivi Haupais dont je fus la première signature sur son label Kondo. Du coup J’ai des doutes, écrit en 1987 et enregistré à Bruxelles en février 1990 avec Dan Lacksman, n’est sorti qu’en mars 1991 ! Presque toutes ces chansons dataient de quatre ans avant ! »

Dix chansons dont elle signe toute seule paroles et musiques à l’exception de Ton amour à la gomme dont la composition est créditée à Dan Lacksman. L’ami Lacksman, membre de Telex et producteur génial des premiers albums de Lio puis par la suite de Deep Forest, qui possède ses propres studios à Bruxelles où Sara retourne donc pour enregistrer la totalité de son deuxième opus. Elle y est entourée de musiciens belges mais également de son compagnon Jean-Claude Chachaty qui co-réalise, joue de plusieurs instruments et assure les chœurs.

Résolument pop, le disque s’inspire, comme de coutume, d’ambiance venues d’ailleurs (Afrique, Orient…) et, outre les trois singles qui font partie des meilleures chansons, on retient aussi le plaisant Pirate et coquillages, le lumineux Baby pop, la poignante ballade Nos mots d’adieu ou le superbe et envoûtant Daddy, une chanson sur son père comme elle l’explique à Laurent Boyer lors de son Fréquenstar en 1992. « C’est un hommage à mon père et à tous les pères parce que je crois que c’est important, pour une fille comme pour un garçon, mais bon ça ne se situe pas de la même façon… mais je crois qu’on a besoin de sa famille, de ses racines, de ses parents… Et je crois que plus on vieillit, plus on grandit et plus on s’en rend compte. J’avais envie de faire cette chanson comme ça. Et puis elle m’est venue d’une façon très émotionnelle, j’étais un petit peu inquiète donc j’ai écrit cette chanson et ça a fait une sorte de thérapie. C’est bien d’écrire les choses qu’on a dans la tête, de les mettre sur le papier, et c’est là qu’on se rend compte de l’amour qu’on a pour ses parents. »

Et pour synthétiser l’album, Sara va lui donner ce titre énigmatique, ce simple signe de ponctuation, un point d’interrogation qui va faire beaucoup parler puisqu’elle devra régulièrement s’en expliquer. « Chacun y met le titre qu’il veut. Le rêve, question, réponse… », tout simplement. Mais également un symbole graphique qui sera décliné en trois couleurs sur la pochette de l’album selon son format (bleu sur le CD, vert sur la cassette et rouge sur le vinyle). On le retrouve aussi sur la pochette de J’ai des doutes, au verso de Défense d’y voir et des Serments, sur le CD promo des Serments où encore sur un pendentif qu’arborent ses danseuses/choristes lors des émissions télé.

Album pop par excellence, ?, avec sa réalisation soignée, s’insère parfaitement dans son époque, mené par trois singles forts : J’ai des doutes, Défense d’y voir et Les Serments. En 2021, un internaute anglophone qui ne connaissait ni la chanteuse ni l’album, découvrait cet opus et partageait son enthousiasme sur Twitter : « Musicalement c’est un peu comme Peter Gabriel dans ses moments les plus pop, vocalement c’est un peu comme les premiers Kate Bush (tout particulièrement le titre Daddy). Écoutez-le ! »

Hormis l’Europe, l’album ? sera également distribué au Canada et au Japon.